La loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 encadre la réglementation de la consultation en matière juridique et la rédaction d’actes sous seing privé en son Titre II.&
Les article 54 à 59 autorisent les personnes à donner des consultations juridiques ou à rédiger des actes sous seing privé, pour autrui, de manière habituelle et rémunérée, s’agissant ainsi des professions réglementées exerçant des prestations juridiques à titre principale.
Qu’en est-il des « experts d’assurés », « mandataires d’assurés », « sociétés de recours » qui ne sont pas des professions réglementées mais qui assistent les victimes de dommage corporel dans leur procédure amiable d’indemnisation ?
Il existe une dérogation à l’article 60 de ladite loi qui leur ouvre la possibilité d’accomplir des prestations juridiques, mais si et seulement si trois conditions cumulatives sont réunies :
✓ Le diplôme ou l’expérience professionnelle
✓ L’agrément
✓ Le caractère accessoire de la prestation juridique à l’activité principale.
Si les deux premières conditions ne sont pas sujettes à débat, il en est tout autrement pour
la troisième.
Par arrêt du 7 mai 2025, la 2ème Chambre civile de la Cour de cassation (n° 23-21.455) énonce que l’activité de mandataire d’assuré « exercée, fusse durant la phase non contentieuse de la procédure d’offre, à titre principal, habituelle et rémunérée, comporte des prestations de conseil en matière juridique, au sens de l’article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 » et constitue donc « un trouble manifestement illicite » à la profession réglementée d’avocat.
Cet arrêt est majeur pour deux raisons :
➢ 1/ il confirme une jurisprudence constante (Cass. 1re civ., 9 déc. 2015, n° 14-24.268 ;
Cass, 1ère Civ, 25 janvier 2017, n°15-26.353 ; CA Grenoble, 30 janvier 2024, 1ère Chambre,
n° 22/01746) : assister une victime dans sa procédure d’indemnisation amiable est une prestation juridique à titre principal, habituel et rémunéré, et non pas accessoire, dès lors qu’il convient de qualifier juridiquement une situation de fait, de veiller au respect des définitions juridiques des différents postes de préjudices, de tenir compte des créances des tiers payeurs et des recours éventuels une activité accessoire, outre un devoir de conseil à chaque étape … ;
➢ 2/ l’évidence du caractère principal de cette prestation juridique permet au Juge des référés d’ordonner l’arrêt de cette activité sous astreinte en raison du trouble manifestement illicite qu’elle crée ;
En conséquence, les experts d’assurés, sociétés de recours, mandataires d’assurés… qui accompagnent les victimes en excipant de l’article 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, exercent de manière illicite une profession réglementée.
L’agrément sus visé n’autorise pas un expert d’assuré à accomplir à titre principal une prestation juridique.
Ainsi, les actes conclus au profit des victimes pourraient être annulés en raison du trouble manifeste à l’ordre public qu’ils causent et notamment
➢ procès-verbal de transaction provisionnelle avec réduction de droit à indemnisation,
➢ mesure d’expertise en présence d’un « expert d’assuré »,
➢ compromis d’arbitrage,
➢ procès-verbal de transaction définitive…
ll s’ajoute que toute compagnie d’assurance partie à un tel acte illicite engage sa responsabilité pénale sur le fondement du recel d’exercice illégal de la profession de droit et se trouve de jure sous la coupe de l’article L 322-2 du code des assurances ;
En cette occurrence, l’ANADAVI, dont l’objet est la défense de l’intérêt des victimes, interroge légitimement les compagnies d’assurances sur la poursuite de leurs discussions amiables avec ces braconniers du droit dans le traitement des dossiers d’indemnisation des victimes.
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